Art & Design

ENSA Dijon

16.02.2015

Conférence

Maximum 1 : Christiane Vollaire et Philippe Bazin

18h • Amphithéâtre

Le Milieu de nulle part

Le Milieu de nulle part est issu du travail commun fait, durant l’été 2008, par la philosophe Christiane Vollaire et le photographe Philippe Bazin dans dix-huit centres d’hébergement ou de rétention de réfugiés essentiellement tchétchènes en Pologne.

Ce travail articule les exigences esthétiques et politiques de la photographie documentaire (la série Antichambres) aux exigences réflexives et relationnelles de la philosophie de terrain. 

Un livre pour affronter la violence et la question du droit 

Le texte est nourri des entretiens menés avec des demandeurs d’asile de tous âges et de toutes conditions. Ils disent quels dangers, quelles violences, quelle impossibilité de vivre sur leur territoire d’origine, les a poussés à la fuite, hors d’un pays devenu un Etat de non-droit, livré à des puissances maffieuses plus violentes encore que les systèmes féodaux qui les ont précédées : racketts, enlèvements, trafics d’organes ou d’êtres humains en sont le lot quotidien.
Mais ils disent aussi, sur le pays d’ « accueil », tout ce qui transforme le séjour en une véritable course d’obstacles, un nouveau parcours du combattant. Ce parcours n’est pas seulement hérissé de barbelés physiques, mais d’obstacles symboliques, dressés par des textes juridiques absurdes, iniques, en mutation permanente, impossibles à comprendre et à maîtriser.

Un livre pour entendre des réfugiés qui pensent leur devenir politique

Ce livre ne veut en aucun cas offrir les réfugiés à la représentation victimaire dont ils sont trop souvent l’objet, au traitement humanitaire auquel on réduit trop souvent les exigences du droit. Pas plus qu’il ne veut réduire leur parole à celle d’un « témoignage » brut destiné à devenir pour d’autres un matériau de réflexion. Les personnes interrogées, quel que soit leur milieu d’origine, sont d’abord des sujets qui pensent leur propre histoire, la réfléchissent, et réfléchissent à travers elle une histoire qui est au-delà de la leur, et dans laquelle ils ont pleinement conscience de s’inscrire : celle du droit, celle d’un devenir politique.

Un livre pour articuler philosophie et photographie

Aux trois moments du texte (passé, présent, futur) répondent trois moments photographiques : celui des chambres où sont regroupées les familles, réservant à chacune ce minimum d’intimité que traduit, dans la précarité des lieux, tel choix décoratif, telle disposition des couleurs ; celui des salles communes, où l’intimité n’est plus préservée que par la verticalité des couvertures tendues ; celui enfin des lieux de rétention, univers totalement standardisé de la géométrie carcérale.
L’esthétique radicale de la photographie documentaire vient donc ici scander en contrepoint la dynamique du texte. Ceux à qui la parole est donnée dans le texte n’apparaissent à aucun moment dans les images, qui ne présentent que les lieux. Et là où le texte opère une remontée du passé vers le futur, les images opèrent en résonance une descente des espaces encore relativement libres à ceux de l’incarcération. 
Mais le texte et les images sont animés d’une force identique, communiquée au photographe comme à la philosophe par ceux qu’ils ont rencontrés, et dont ils se sont nourris pour élaborer ce travail en commun : l’exigence documentaire, comme l’exigence philosophique,  dans leur volonté de dire et de montrer, affirment, aussi loin des mensonges d’une prétendue « neutralité », que des naïvetés d’un apitoiement émotionnel, la puissance vivifiante de la colère.

Maximum 1 est une plateforme associant créateurs et chercheurs pour des prises de paroles singulières, des confrontations, des accords, des dissensus, des propositions, dans le domaine de l’art et des pratiques transdisciplinaires. 

En priorité destinées aux étudiants et enseignants de l’école, les conférences sont ouvertes au public dans la limite des places disponibles.

  • Hôtel IGA075

  • Affiche maximum 1