12.03.2014

Territoires urbains en mutation

HÉTÉROTOPIES CRÉATRICES OU DESTRUCTRICES

En 1966, dans Les Mots et les choses, Michel Foucault écrit :
« Les utopies consolent (…). Les hétérotopies inquiètent, sans doute parce qu’elles minent secrètement le langage, parce qu’elles empêchent de nommer ceci et cela, parce qu’elles brisent les noms communs ou les enchevêtrent, parce qu’elles ruinent d’avance la syntaxe, et pas seulement celle qui construit les phrases, – celle moins manifeste qui fait tenir ensemble (à côté et en face les uns des autres) les mots et les choses. » Michel Foucault, Les Mots et les choses, Tel Gallimard, 1966, p.7
Quelque chose, dans le geste esthétique, architectural ou urbanistique, révèle cette mise sous tension de la structure, et lui confère sa puissance de désordre : un surgissement de l’informe dans la volonté formelle elle-même. Une puissance de devenir qui déterritorialise les espaces dans la conscience permanente de leur mutabilité. C’est précisément de ce trouble d’une compatibilité des antinomies que naissent ce que Foucault appelle les « hétérotopies », régimes de la dissemblance et de l’altérité radicale qu’il oppose aux utopies (lieux de nulle part).
À la période contemporaine, dans la réalité des mutations urbaines, l’hétérotopie n’a pas seulement valeur esthétique, elle est aussi liée à des processus économiques de déstructuration de l’espace citadin, à des logiques de spéculation immobilière qui en pervertissent l’essence. C’est à interroger cette ambivalence du devenir hétérotopique qu’on voudrait s’atteler ici.

Christiane Vollaire est philosophe.

Conférence proposée par Manola Antonioli (LARU).

En priorité destinées aux étudiants et enseignants de l’école, les conférences sont ouvertes au public dans la limite des places disponibles.