Art & Design

ENSA Dijon

22.02.2016

Autre évènement

Et si Dijon était l’épicentre de l’art contemporain en France ?

Article de Judith Benhamou paru dans Les Echos le 21/02/2016 : http://blogs.lesechos.fr/judith-benhamou-huet/et-si-dijon-etait-l-epicentre-de-l-art-contemporain-en-france-a15711.html#xtor=CS1-31%23P0Pf7S7Mr2mAUCww.01

 

« Il existe un étrange microclimat aux pays des ducs de Bourgogne. C’est là qu’on peut voir l’impressionnant tombeau des monarques si puissants du Moyen-Age mais pas seulement. Depuis 1992 la ville reine de la moutarde accueille aussi un centre d’art baptisé « Le Consortium » qui dès lors qu’il est né à su attirer à lui des noms de l’avant –garde dans un esprit remarquable et dans un contexte de réflexion qui rend admiratif. Dès les années 90 si on voulait voir le trublion de l’art contemporain italien qui fait jaser, Maurizio Cattelan, c’est à Dijon, au Consortium, qu’il fallait aller. Dès les années 2000 si on voulait voir un autre italien qui allait avoir un succès planétaire mais qui reste selon moi incompris, Francesco Vezzoli, c’est encore au Consortium qu’il fallait se rendre. La nouvelle coqueluche de l’art contemporain californien, Alex Israel a d’abord été montrée au Consortium en 2013. L’artiste américain Wade Guyton qui travaille entre autres sur l’idée de la reproductibilité et qui fait partie des artistes les plus en vue de la scène actuelle (il a été entre autres exposé au Palazzo Grassi, dans les collections de l’homme d’affaires François Pinault) a récemment arrêté de créer pendant un an et demi. C’est au Consortium qu’il a décidé de dévoiler sa nouvelle production le 24 juin prochain.

Le Consortium est dirigé par un florilège de six directeurs aux goûts et aux affinités diverses et controversées qui brillent autant par leur curiosité tous azimuts que par la modestie des moyens dont ils disposent pour montrer le monde. Ils le font pourtant avec brio.

Témoin l’exposition qui a été inaugurée le 20 février. Baptisée Almanach elle est un petit résumé du goût de ces six directeurs à l’instant présent. 16 artistes sont montrés dans 16 salles.

L’opération Almanach s’ouvre sur une série de tableaux copiés sur Raphaël (pas toujours beaux) allusions aux chambres de la signature de Raphaël au Vatican. Là c’est le directeur et passionné d’histoire de l’art Xavier Douroux qui est aux manettes. « L’art contemporain a épuisé sa capacité d’inventer » remarque t-il. De la réflexion sur l’idée de copie dans la création…Justement Angela Bulloch l’artiste canadienne qui vit à Berlin ( connue pour son appartenance de jeunesse aux Young British Artists) a réalisé une série d’installations lumineuses qui ressemblent à la « Colonne sans fin » de Brancusi mais dans une version post Pop revisitée.

Certaines des colonnes roses sont mates par endroit et la lumière et l’ombre crée des zones de volumes mystérieux. « Je joue avec le virtuel et le réel commente –t-elle ». Plus loin un céramiste installé à Cannes, Georges Pelletier, a mis en place d’autres installations lumineuses en terre cuite. Des allusions évidentes au soleil ou mieux aux ostensoirs, ces accessoires du rite catholique qui servent à présenter l’hostie comme au sein d’un astre lumineux. Georges Pelletier se joue du marché de l’art et il reproduit avec plaisir les pièces de son succès des années 60 dont la côte a désormais monté. De quoi installer un certain désordre des valeurs…Le plus délirant de la collection « Almanach » est certainement Ashley Bickerton . Il s’agit d’un monsieur -malgré un tel prénom- qui a eu sa première heure de gloire tout jeune dans les années 80 ( il est né en 1959) et qui vit aujourd’hui à Bali. Son travail super trash, au premier abord repoussant même, est composé de sculptures et de peintures qui nourrissent une certaine idée du grotesque. Il produit des peintures fruit d’un Gauguin croisé avec l’art psychédélique ou des icônes du tourisme de masse mariées aux films d’horreur. Il juxtapose, il mélange à profusion comme dans ces cahutes de bord de mer ou les couchés de soleil sur les t-shirts se mélangent aux blagues grasses imprimées sur des tabliers, mais en encore plus dégueulasse. Le summum c’est sa sculpture : un squelette de scooter bariolé sur lequel il a posé un corps d’homme obèse hyper réaliste. La dolce vita consumériste en somme. Bon voyage à Bali !
Ashley Bickerton est une véritable redécouverte dérangeante. Exactement le contraire du bon goût.
Car l’art ce n’est pas un tableau assorti au canapé du salon. »