Art & Design

ENSA Dijon

31.12.2014

Autre évènement

Chronique de la loge #2 : LES TOURISTES

Il suffit que le portail de l’école soit ouvert un bref instant pour que des visiteurs se précipitent dans la cour afin d’admirer l’arrière de la cathédrale.

Certains hésitent, d’autres entrent franchement, mais tous ont le regard fixé vers le dos de l’église, comme fascinés par ce spectacle dont ils comprennent que l’occasion qui leur est donnée de le contempler est quelque chose de rare, d’exceptionnel, qu’il faut vite saisir et fixer dans l’appareil photo.

D’autres encore vont plus loin, s’enhardissent jusqu’à s’avancer vers la barrière délimitant l’ancienne rotonde maintenant disparue, jusqu’à se pencher au-dessus du trou de la crypte ou même jusqu’à s’asseoir un instant sur l’escalier de la cour.

Beaucoup aussi se tournent vers la statue de François Rude. Ils ont lu la plaque explicative sur le mur de l’enceinte de l’école, mais frustrés de ne pouvoir contempler l’objet et mis en appétit par les commentaires ils saisissent l’opportunité inespérée qui leur est offerte par le portail ouvert pour se rendre compte de visu de la réalité de ce qu’ils ont lu.

J’ai même vu deux jeunes filles blondes en short se faire photographier grimpées sur les genoux de François Rude. Le pauvre vieux sculpteur ! Il m’a semblé le voir rougir sous son hâle de bronze patiné, mais même ce moment rare dans sa vie de statue ne l’a pas empêché de scruter de son regard sans vie la Victoire qu’il tient à la main depuis qu’il a été fondu.

N’y a-t-il pas quelque part de l’ironie pour un sculpteur de se voir lui-même moulé dans le bronze, tenant à la main une des ses œuvres, assis dans la cour d’une école d’art, s’offrant bien involontairement aux regards, aux appareils photos et aux caresses des touristes ? Qu’aurais-tu pensé de cela, François Rude ?

Paul Martin