Art & Design

ENSA Dijon

31.12.2014

Autre évènement

Chronique de la loge #1 : LES GARGOUILLES

Avant de parler des humains qui seront principalement l’objet de cette chronique, une loge de concierge étant un lieu privilégié pour côtoyer l’espèce humaine, il serait intéressant de décrire la vision qui bouche la fenêtre devant laquelle déambulent mes semblables.

Ce qui tout d’abord et essentiellement remplit la vue c’est surtout l’arrière de la cathédrale qui, telle une gigantesque machine, un vaisseau, un dinosaure, nous écrase de sa masse. De ce fouillis de pierres grises et sales émergent des pics, des éperons, des saillis, des aspérités … Seul morceau de couleur, le toit, dont on aperçoit les tuiles peintes en jaune, noir vert et rouge, forme comme un tapis posé sur le faîte de l’édifice.

Pourtant, si ce n’est la vie elle-même, une image de la vie est présente sur cette montagne de pierre. Les gargouillent nous donnent l’illusion de vivre.

Intéressons-nous à quelques-unes d’entre elles. Tenez, la première en bas à gauche, ne serait-ce pas un aigle qui tente de prendre son envol, ses ailes de pierre pourtant demeurant soudées au bord du toit ? Et celle-ci, un peu plus haut, n’imite-t-elle pas un chien les pattes sur les oreilles ? D’autres restent figées dans un saut vers le vide qu’elles n’achèveront pas, les pattes arrière retenues dans la masse de l’édifice.

Mais celle qui m’est particulièrement chère est celle qui, à droite, fait face à la loge. Imaginez une face de singe les sourcils froncés, la bouche entrouverte, les narines dilatées, une trogne exprimant l’inquiétude de son possesseur de ne pas pouvoir s’extirper de sa gangue de pierre alors que, s’arc-boutant des pattes avant sur le pignon de la chapelle, ses membres inférieurs disparaissent dans les profondeurs de l’édifice.

Allez, vous n’allez pas le croire, mais lorsque je la fixe un moment, elle me sourit !

Paul Martin