Art & Design

ENSA Dijon

08.04.2021 → 15.05.2021

Exposition

Sound&Vision vs Vision&Sound

Interface, Dijon

Lauren Balganon • Simon Bart • Dorine Bernard • Marek Guillemeney • Armand Louet
Atelier de Recherche et de Création Arts du son
avec Jean Dupuy et Tom Johnson
8 avril • 15 mai 2021

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Sound&Vision vs Vision&Sound, on ne sait plus bien définir la frontière, la porosité entre ces deux mondes de création et peu importe ! Des plasticiens viennent sur le territoire de la musique et vice versa, des musiciens mettent en forme plastique certaines de leurs compositions.

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Cette exposition est une invitation d’Interface faite à l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon, présentant des œuvres sélectionnées pour l’occasion par Jean-Christophe Desnoux, enseignant son, Nicolas Thirion, directeur artistique de Why Note, centre de création musicale & artiste associé dans le cadre de l’ARC Arts du Son de l’ENSA, et Frédéric Buisson, directeur artistique d’Interface.

Interface a souhaité mixer deux générations opposées uniquement par l’âge : de jeunes étudiants, artistes en devenir, et deux artistes à la carrière très établie : Jean Dupuy (né en 1925) et Tom Johnson (né en 1939).

Des collections des deux Fonds régionaux d’art contemporain de la grande région ont été extraits pour l’occasion un ensemble d’œuvres de Jean Dupuy (FRAC Bourgogne) et des dessins de Tom Johnson (FRAC Franche-Comté). 

Au contact de ces deux « monuments » de la création contemporaine, les œuvres (sculptures sonores, vidéo, sons, performances) des étudiant.e.s viennent matcher et donner de la voix à cette sélection d’œuvres historiques.

 

Infos pratiques

8 avril – 15 mai 2021
du mercredi au samedi de 14h à 17h30
(sur rendez-vous)

Interface
12 rue Chancelier de l’Hospital, Dijon
www.interface-art.com

En raison des contraintes sanitaires actuelles, l’exposition est accessible uniquement sur rendez-vous professionnels, et les performances seront jouées sans public, filmées et diffusées par voie numérique.

Renseignements ou prise de rendez-vous :
contact@interface-art.com
03 80 67 13 86

 

[pdf] Document de salle – Sound&Vision

[pdf] Plan de l’expo – Sound&Vision

 

Les pièces de nos étudiant.e.s à découvrir dans cette exposition :

// Lauren Balganon

 

Les fruits sonores en céramique de Lauren Balganon sont bien loin de ce que l’on pourrait attendre d’une poire, d’une pomme ou d’une grappe de raisin. Cette dernière pourrait tout autant être associée à un coeur humain affublé de petites bouches ou ventouses. À l’exception de quelques touches de jaune, vert ou violet, la couleur de la céramique ne rappelle pas davantage celle des fruits. De même, leur disposition n’a rien d’orthodoxe : posées au sol, décentrées sur un mur ou au niveau du genou d’un visiteur, sans aucun souci d’harmonie, ayant poussé spontanément et indépendamment de toute volonté humaine, comme du lichen. L’ultime degré de bizarrerie tient dans leur capacité à parler.
En effet, si l’on prête l’oreille à ces fruits, des murmures sont perceptibles : « je ressens ceci », « je voudrais faire cela ». Ces paroles enregistrées sortant de la bouche de l’artiste sont inspirées par la poésie sonore Put-Put de Joël Hubaut. La parole lovée en eux, ces fruits en céramique expriment leur volonté de communiquer, d’exister et d’être. Ils parlent en leur nom et révèlent aussi bien leurs désirs humains et intimes que leurs revendications sociales. L’humanisation de ces céramiques créé un décalage et nous invite avec légèreté à questionner nos propres désirs et notre rapport à la nature. Abolissant la dichotomie artificielle entre nature et culture, dans la lignée de l’anthropologue Philippe Descola, ces sculptures sonores associent le règne animal, végétal et minéral — et artistique — dans une sorte d’hybride.

Les fruits sonores, 2020-2021, céramique au colombin

// Simon Bart

 

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un artiste contemporain, c’est à travers la vidéo que Simon Bart s’est intéressé à la peinture. Dans AGAINst_temps, il s’est filmé en train de peindre non pas une toile sur un chevalet mais tout simplement les murs de son appartement. Pourtant, il est difficile parfois d’identifier cette action tant l’image est fragmentée, distendue, tantôt accélérée, tantôt ralentie et revêt des couleurs artificielles (vert, orange, violet). C’est le résultat d’un fichier corrompu et retravaillé, produisant certains effets inattendus et d’autres intentionnels.
Ce chaos visuel est accompagné d’une bande-son tout aussi chaotique, du moins en apparence car les oreilles les plus fines reconnaîtront certaines oeuvres remixées comme Time de Acra, ou encore les bandes originales du film Premier contact (Arrival) et du jeu vidéo The Legend of Zelda, Majora’s mask. Ces trois créations traitent directement du temps et de son insaisissabilité. Dans AGAINst_temps, le temps est bien le fil conducteur ordonnant ce chaos. Un temps que la vidéo, succession d’images, croit orgueilleusement pouvoir capturer mais dont la fragilité et l’artificialité sont ici criantes.
Les citations du philosophe Nicolas Grimaldi, apparaissant successivement à l’image, semblent corroborer cette idée. Elles sont toutes issues du Bref traité du désenchantement, essai abordant justement la perception du temps. Au coeur de cette orgie d’images qu’est devenu notre quotidien, images portées par des écrans par nature hypnotique, Simon Bart nous invite à les déconstruire, à les désenchanter. 

AGAINst_temps, 2021, vidéo

 

// Dorine BERNARD & Armand LOUET

 

 

Une sphère métallique de cinquante centimètres de diamètre, creuse et percée, dans une baignoire remplie d’eau : cette image est pour le moins curieuse. Curieux également le choix d’Armand Louet et Dorine Bernard d’installer cet objet dans la salle de bain de l’espace d’exposition, et par ce choix, l’isolent tant du parcours que du regard du public. C’était sans compter sur les sons émanant de cette salle de bain, invitant le visiteur à franchir la porte pour contempler une boule de fer prenant un bain. Les enceintes diffusant les sons de mouvements et chocs de la sphère contrastent avec le silence de cet objet statique.
Cette sphère a été percée afin d’y disposer un micro enregistrant tous les bruits suscités par ses allées et venues. Dorine et Armand l’ont ainsi baladée sur des rues pavées, des routes goudronnées, en forêt, dans un parking souterrain ou encore balancée dans les escaliers. Conçue grâce à des techniques industrielles et donc reproductible, sa surface, à l’origine lisse et homogène, est aujourd’hui parcourue de stigmates, la rendant ainsi unique tant par son apparence que par son « vécu ». Ces pérégrinations ont permis de récolter une grande variété de sons diffusés ensuite dans la salle de bain soit à l’état brut, soit sous une forme travaillée et rythmée jusqu’à ressembler parfois à de la musique techno. Le son nous invite à imaginer une cartographie sonore.

Roule ma Boule, 2019-2021, deux sphères métalliques creuses, 50 cm de diamètre, bandes son

Rédaction : Kaïs Bennani – relecture : Nadège Marreau & Juliette Tixier