Art & Design

ENSA Dijon

07.02.2018

Colloque / Journée d'étude

JOURNÉE D’ÉTUDE – Figures de l’étranger, archives et actualité

Maison des Sciences de l'Homme de Dijon

Cet évènement est organisé par l’ENSA Dijon et la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon en écho aux questionnements de Claire Angelini et dans le cadre l’Unité de Recherche « Art & Société ».

 

« La figure de l’étranger dans le Morvan, se déclinera pour moi de différentes manières. Elle s’inscrira d’abord dans ce temps long qui convoque la géographie, l’histoire et l’archéologie dans un même mouvement. Elle se révèlera dans les plis et replis du territoire, elle sera tributaire de l’économie et de la géologie singulières de la région (la forêt en particulier), elle se cachera dans les méandres de l’anthropologie ancienne ou plus récente, dans les non-dits qui habitent et qui hantent la mémoire collective. Enfin, ma recherche s’attachera à l’actualité, celle qui engage tous les jours les acteurs-citoyens de ce territoire auprès de nos contemporains étrangers. » Claire Angelini.

Ainsi, Claire Angelini explore-t-elle son projet selon trois axes de recherche, la piste anthropologique, le récit de l’histoire, entre archives et témoignages, et le récit archéologique.

L’objectif de cette journée d’étude consistera donc à ouvrir ces différents champs possibles de recherche aux regards et interrogations circulant dans ces différents milieux. Une question se pose, celle des représentations de l’étranger ainsi que nous les formulons dans notre société, représentations issues de l’influence d’une période passée, celle du colonialisme, tout aussi bien que de la période actuelle où la question des migrations suscite de nombreuses interrogations et représentations travaillées par les idéologies. Mais à tout cela peut répondre la façon dont les exilés eux-mêmes s’envisagent dans notre monde de représentations, en regard de territoires, topographies, systèmes médiatiques et instruments de représentations de soi.

 

/// PROGRAMME

9h30 – 10h : accueil des participants

10h – 10h15 : Ouverture du colloque par Sophie Claudel (directrice ENSA Dijon) et Jean Vigreux (Directeur de la MSH DIJON)

10h15 – 11h : Jean Vigreux (professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, Directeur de la MSH Dijon) : Les étrangers dans la Résistance, l’exemple du Morvan

11h – 11h45 : Claire Angelini (artiste) : Abécédaire du Morvan-Monde. Un récit documentaire. Une méthode empirique.

11h45 – 12h15 : Claire Challet, (étudiante à l’ENSA)  La Médaille, lecture.

Pause et temps de questions

14h15 – 15h : Sébastien Févry, (professeur à l’Ecole de Communication de l’Université catholique de Louvain (UCL) et coordinateur du GIRCAM (Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Cultures et les Arts en Mouvement), spécialiste du cinéma et de l’exil) : Du temps de l’actualité à la mémoire du média. Pour une approche médiologique de la figure du réfugié.

15h00 – 15h45 : Laura Genz, (artiste et militante) : « Ici et d’ailleurs » : témoigner n’est pas revendiquer.

  Pause et temps de questions

 16h15 – 17h : Emilie Da Lage, (Maître de conférence en science de l’information et de la communication, université de Lille 3)  En quête d’asiles, une enquête sur les pratiques musicales et médiatiques sur le camp de la Linière, Grande-Synthe, France.

17h00 – 17h45 : Carole Reynaud Paligot, (chercheure associée au Centre de recherche en histoire du XIXe siècle de l’Université de Paris I) : « Nous et les Autres ». Les processus de racialisation d’hier à aujourd’hui.

17h45 : Temps de questions et clôture

Durant toute la journée, exposition du journal des jungles de l’APSM Calais.

 

/// INFOS PRATIQUES

  • Mercredi 7 février 2018
  • Horaires : 10h – 18h
  • Gratuit sur réservation via ce formulaire en ligne
  • Lieu : Maison des Sciences de l’Homme de Dijon – 6, Esplanade Erasme, 21000 Dijon

 

/// DÉTAIL DES INTERVENTIONS

 

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  • Jean VIGREUX, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, Directeur de la MSH Dijon
  • « Les étrangers dans la Résistance, l’exemple du Morvan »

« Pour des raisons qui tiennent à leur héritage historique et à leur statut de suspects sous surveillance, les étrangers ont été parmi les premiers à s’organiser pour occuper le terrain du refus ». Ces mots de l’historien Pierre Laborie résument avec finesse la place et le rôle des étrangers dans la Résistance. On peut aussi tenter d’expliquer leurs motivations ; des réfugiés antifascistes de l’entre-deux-guerres — souvent partis combattre en Espagne — continuent la lutte. Pour d’autres, il s’agit de combattre l’Allemagne et les forces de l’Axe pour libérer leurs pays envahis et/ou sous domination fasciste ; c’est le cas des Républicains espagnols ou des Polonais du POWN (Organisation polonaise de lutte pour l’indépendance). Italiens, Polonais et Espagnols constituent de loin les principaux bataillons d’étrangers dans la Résistance. Dans cette dynamique, le rôle des FTP-MOI est fondamental, à la fois dans la dimension d’intégration que dans celle de l’autonomie (groupes nationaux), il s’agit de cumuler les patriotismes contre l’Occupant et le gouvernement de Vichy. Au départ, ce travail est celui de la diffusion de tracts, d’une presse clandestine, le plus souvent en langue étrangère, puis de l’organisation des FTP-MOI en 1942, enfin c’est la présence dans les maquis en 1944 et dans les combats de la Libération.

Biographie : professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, directeur de la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon, Jean Vigreux est spécialiste de l’histoire sociale du politique. Sa thèse sur Waldeck Rochet, sous la direction de Serge Berstein en 1997, l’a conduit à travailler sur l’histoire du communisme rural et sur la politisation des campagnes. Il mène également des recherches sur l’histoire des gauches européennes et l’histoire de la Résistance. Il préside Morvan Terre de Résistante-Association pour la Recherche sur l’Occupation et la Résistance en Morvan (ARORM) qui gère le musée de la Résistance en Morvan dans la Nièvre.

 

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  • Sébastien FÉVRY, professeur à l’Ecole de Communication de l’Université catholique de Louvain (UCL) et coordinateur du GIRCAM (Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Cultures et les Arts en Mouvement), spécialiste du cinéma et de l’exil
  • « Du temps de l’actualité à la mémoire du média. Pour une approche médiologique de la figure du réfugié »

Cette intervention consiste à examiner les représentations contemporaines des réfugiés sous un angle médiologique, c’est-à-dire en tenant compte du fait que chaque média accueille la figure de l’étranger dans un espace médiatique qui possède déjà sa propre mémoire et ses propres images. En ce qui concerne par exemple le cinéma documentaire, la question n’est pas seulement de savoir quelle(s) image(s) le cinéma propose des camps de réfugiés ; il s’agit aussi de comprendre comment l’irruption de cette réalité dans le champ documentaire donne lieu à une reprise, mais également à une dé-saisie des images tournées lors de la libération des camps à la fin de la Deuxième Guerre. Pour entreprendre cette enquête médiologique, mon propos s’appuiera principalement sur le cinéma documentaire, tout en intégrant, à des fins comparatistes, d’autres types de supports médiatiques comme le roman-photo (La Fissure [2017] de Carlos Spottorno et Guillermo Abril).

Biographie : professeur à l’Ecole de Communication de l’Université catholique de Louvain (UCL) et coordinateur du GIRCAM (Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Cultures et les Arts en Mouvement), Sébastien Fevry travaille dans le champ des Memory Studies en se focalisant sur les processus de représentation des groupes minoritaires, principalement à travers le cinéma et la photographie. Il a notamment coédité un recueil d’articles sur l’imaginaire de l’apocalypse au cinéma (2012). En 2016, il a coordonné l’édition d’un ouvrage intitulé Regards croisés sur Incendies. Du théâtre de Mouawad au cinéma de Villeneuve. Il est aussi l’auteur de nombreux articles dans des revues comme Image & Narrative, Cahiers Mémoire et Politique, Espacetemps.net, Studies in French Cinema…

 

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  • Claire ANGELINI, artiste
  • « Abécédaire du Morvan-Monde. Un récit documentaire. Une méthode empirique »

Dans un premier temps, je reviendrai sur les méthodes de travail développées dans mes projets et films précédents.

Puis j’analyserai si et comment mon projet initial – une recherche autour de la figure de l’étranger– en rencontrant les données concrètes et singulières du terrain – Le Morvan –, s’en est trouvé approfondi et développé ou éventuellement infléchi et changé.

Je dirai aussi à quel type de méthode empirique cette expérience d’un territoire concret m’a amenée et je tracerai, sous les espèces d’un premier scénario – en mots et en images – les prolégomènes de mon projet filmique et plastique.

Biographie : formée à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, à la Sorbonne et à la Hochschule für Film und Fernsehen de Munich, Claire Angelini utilise aussi bien la photographie, le cinéma, l’installation, que le dessin et l’écriture, pour interroger les rapports entre l’art, la politique et l’histoire sous les espèces de la trace, la ruine, la réminiscence et la survivance des images. Son travail, qui se situe à la conjonction d’un récit historique et des lieux contemporains, a été présenté dans les lieux aussi divers que l’ISELP à Bruxelles, Topographie de l’art à Paris, la Cinemateca brasileira de São Paulo ou encore la Fundaçao Casa de Rui Barbosa à Rio de Janeiro au Brésil. Son film La guerre est proche (War is looming) a été primé aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2011 et le long-métrage Ce gigantesque retournement de la terre (This gigantic furrowing of the ground), a été sélectionné à la Berlinale 2015. Claire Angelini vit entre Paris et Munich.

 

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  • Laura GENZ, dessinatrice et militante
  • « Ici et d’ailleurs » : témoigner n’est pas revendiquer

Souvent j’entends : « Quel courage de dessiner tout cela, presque chaque jour ! Quelle persévérance, quel bel engagement ! Sur quoi travaillez-vous aujourd’hui ?… » De qui est-il question ? Dessiner, c’est être avec autrui. C’est, s’agissant des migrations, pour que nous tous ici prenions la mesure de ce qui se passe chez nous, et donc ailleurs. C’est faire trois sous pour des collectifs actifs sur le terrain parce qu’ensemble, nous changeons le monde. Dessiner ne suffit pas, aussi nous revendiquons et nous agissons. Puisqu’en dix ans de dessin de luttes, on ne m’a quasiment jamais demandé ce qu’étaient devenues les personnes ainsi rencontrées ! Ont-elles trouvé des papiers, du travail, un toit… de nouveaux amis ? Qu’en est-il de ceux qui continuent d’arriver ? Meurt-on plus ou moins aujourd’hui sur les routes et aux frontières vers l’Europe ? Que penser des financements octroyés par l’Union européenne à la Libye, où l’on pratique la traite humaine et l’esclavage à l’échelle du pays entier, où l’on viole et torture pour rançonner les familles ? Tel est le fruit meurtrier de nos politiques européennes. Dessiner ne demande aucune sorte de courage. C’est pour vivre qu’il en faut. À nous d’inventer ce qui suivra…

Biographie : « Dessiner, c’est, furtivement, pénétrer un endroit pour y prendre position. Et rencontrer l’autre. » / 2015 : « Une Saison d’errance. Sur les Camps », série de 269 dessins réalisée sur les camps de rue parisiens où échouent les personnes nouvellement arrivées en Europe, témoignant du quotidien indigne, violent et absurde fruit de notre « politique d’accueil », mais aussi des mobilisations qui ont alors émergé, aujourd’hui parties intégrantes du paysage militant parisien. / 2008-2010 : « Hier colonisés, aujourd’hui exploités, demain régularisés », cosigné avec la Coordination 75 des Sans Papiers (CSP75), série de 324 dessins racontant la lutte en occupation menée à Paris par les Sans Papiers pour leur régularisation, affichée en 2009 à la IXe Biennale d’art contemporain de Lyon et intégralement publiée aux éditions Fage en 2010. / Pour ces travaux, vente de reproductions et droits d’auteurs entièrement au bénéfice des collectifs acteurs de ces luttes.

 

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  • Emilie DA LAGE, maître de conférence en science de l’information et de la communication, université de Lille 3 
  • En quête d’asiles, une enquête sur les pratiques musicales et médiatiques sur le camp de la Linière, Grande-Synthe, France

L’intervention reviendra sur les enjeux d’une recherche menée en 2016 et au début de l’année 2017, jusqu’à la destruction du camp de la Linière, sur les pratiques musicales et médiatiques des exilé-e-s du camp. La musique est l’un des moyens – il y en a d’autres – par lesquels les exilé.e.s déploient des formes de subjectivation qui permettent l’organisation de collectifs plus ou moins cosmopolites. Il s’agira ici de comprendre la complexité des expériences musicales sur le camp de Grande-Synthe et notamment la manière dont la musique permet de créer des effets de seuils, c’est à dire des modalités d’articulation entre la sphère de l’intimité et celle de la publicité, jusqu’à produire des « espaces refuges », d’imaginer des futurs possibles et d’articuler des formes d’ancrage et d’engagement locaux, ponctuels et précaires, qui s’inscrivent dans les dynamiques des parcours migratoires, mais aussi dans les rapports de pouvoir et l’économie générale du camp. Ce travail a enfin pour ambition de montrer la fragilité de tels espaces.

Je présenterais deux rapports distincts à la musique. Le premier est celui qu’ont pu nouer des femmes fréquentant le Women Center, un lieu non liste dans le quel les femmes pouvaient écouter ensemble, notamment en branchant leurs téléphones aux enceintes du lieu. le second est lié à l’usage des vidéos de performances musicales postées sur les réseaux sociaux par une famille d’exilés musiciens.

La recherche au Women Center a été l’occasion d’une mise en forme pour le public sous la forme d’écoutes commentées.  https://soundcloud.com/emilie-da-lage

Biographie : Emilie Da Lage est chercheuse en sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Lille-SHS, membre du laboratoire GERIICO. Ses travaux portent sur la dimension culturelle et sociale des circulations mondialisées des productions culturelles et médiatiques. Après une thèse consacrée à la production de l’authencité dans le monde des musiques du monde en Europe, elle a travaillé sur les pratiques patrimoniales transnationales, les nouvelles formes d’écoute en ville. Ses travaux portent aujourd’hui sur les pratiques musicales en situation d’exil et de migrations.    Elle est membre du programme les Non Lieux de l’Exil et elle est chercheuse associée à la scène Nationale de Calais le Channel dans le cadre du projet européen Atlas of Transitions. Elle a participé au collectif Décamper ! et coordonné en 2016-2017 un programme de recherche-action et de séminaires financé par la MESHS-Lille « Créativité et migration en situation d’encampement ». Elle a notamment publié « Les refrains de la mondialisation », avec François Debruyne, dans la revue Réseaux, (Réseaux N°192 La découverte, 115-142, 2015.), « La musique le temps le camp » (in Décamper! La Découverte, 2016). 

 

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  • Carole RAYNAUD PALIGOT, chercheure associée au Centre de recherche en histoire du XIXe siècle de l’Université de Paris I
  • « Nous et les Autres ». Les processus de racialisation d’hier à aujourd’hui

A partir des travaux d’une soixantaine de chercheurs en sciences humaines et sociales mais aussi en génétique, nous proposerons une définition du racisme et nous présenterons les mécanismes qui y mènent. Pour comprendre ces phénomènes d’hier à aujourd’hui, il nous apparaît nécessaire de mettre au jour les contextes spécifiques, les différents acteurs, les enjeux économiques, sociaux et politiques.

Biographie : Diplômée de l’Institut d’études politiques de Grenoble, docteur de l’EHESS, titulaire d’une habilitation à diriger des recherches (Paris 1), Carole Reynaud Paligot est chercheure associée au Centre de recherche en histoire du XIXe siècle de l’Université de Paris1, elle a enseigné au sein de l’université de Franche-Comté et au sein des antennes parisiennes des universités américaines (U. de New York, U. de Californie) ainsi qu’à Sciences po Paris. Elle est actuellement co-commissaire scientifique d’une exposition Racisme et préjugés (titre provisoire) au Musée de l’homme à Paris. Spécialiste de l’histoire des intellectuels et de l’histoire des processus de racialisation, elle a notamment publié : Parcours politique des surréalistes 1919-1969, Editions du C.N.R.S, 1995, éd. de poche, 2010,  La République raciale 1860-1930. Paradigme racial et idéologie républicaine, Paris, PUF, 2006, Races, racisme et antiracisme dans les années 1930, PUF, 2007, De l’Identité nationale. Science, race et politique. Europe-Etats-Unis. XIXe-XXe siècle, PUF, 2011, L’Ecole aux colonies entre mission civilisatrice et racialisation 1815-1940 (à paraître).

 

—————   Modératrices/Discutantes   —————-

 

 – Caroline Darroux, ethnologue, Docteure en anthropologie

Marie Preston, artiste, Maître de conférence à Paris 8

 

—————   Présidents de séances   —————-  

 

Nicolas Renahy le matin

Philippe Bazin l’après-midi

Philippe-Bazin_Camp-de-conteneurs_Calais_fevrier_2016-550